Affiche — A man with a cup of coffee, Maxence Mathieu

Maxence Mathieu

Hématomes Éditions

20,00

Cette affiche, tirée à 100 exemplaires quadri offset numérotés et signés par l’artiste, a été achevée d’imprimer en octobre 2022 sur les presses d’Imprim Group (Visé) à l’occasion de l’exposition A man with a cup of coffee à l’Eden (Charleroi).

Tirage numéroté et signé par l’artiste, 100 copies, dans un tube étiqueté.
Papier Maxisatin NE 170g/m²
Format: 630 x 880 mm

Étiquette :

Description

Maxence Mathieu, 1992, vit et travaille à Bruxelles et Charleroi.
La pensée agit dans le travail artistique de Maxence Mathieu comme un matériau en tant que tel. Les espaces fictifs (rêves, songes, jeux d’acteurs, projections mentales, espaces numériques,…) se confondent avec les espaces dits “réels“. Cette mise en abîme, caractère fondamental de sa démarche, engendre de nouvelles réalités ou nouveaux mondes. Ses propositions spatiales (installations, sculptures, protocoles, dessins, photos, …) agissent comme des perturbateurs cognitifs et mentaux de la réalité établie.
Cette affiche a été publiée à l’occasion de l’exposition A man with a cup of coffee où il a présenté une tapisserie monumentale spécialement conçue pour le lieu. Par « effet contraste », c’est l’espace social de la brasserie Eden qui devient le sujet artistique principal de son intervention.

Le travail de Maxence Mathieu ne tient jamais de représentations, fussent-elles allégoriques ou abstraites, d’un état des choses ou d’un sentiment. Plus que suite d’images, l’essentiel de l’œuvre tient de dispositifs, pour beaucoup crées in situ. Si la sculpture et l’installation sont les médiums de prédilection, il faut considérer les objets comme éléments d’une scénographie qui chercherait à télescoper ou à ébranler ce qui structure notre imaginaire et notre appréhension pratique du « monde ordinaire ». Pour faire simple, notre rapport au temps et à l’espace ; aux autres et aux choses, dépend de façon très étroite – pour ne pas dire fusionnelle, des structures sociales qui charpentent nos pratiques et notre imaginaire. L’ « ordre des choses » ne l’est qu’au prix d’une subtile adéquation entre le monde objectivé des institutions et leurs incarnations au plus intime de nos consciences subjectives, voire de nos rêves.

La typicalité du monde et sa rassurante banalité reposent sur toute une série d’évidences et d’impensés qui conditionnent très largement nos liens au monde. Il en va de notre rapport au temps, au travail, à la sexualité ou à l’art… De la plus infime à la plus grande échelle d’analyse, notre existence et notre identité épousent les contours de catégories dont la légitimité n’est que rarement interrogée ou mise en doute. Le monde semble marcher tout seul…surtout parce qu’il nous fait marcher: faire croire au décor qu’elle impose est une condition absolue de toute institution qui réussit.
Si la modernité est affaire de frontières entre la nature et la culture, la politique et les sciences, l’économie et la morale…le travail de Maxence Mathieu fait plus qu’en prendre acte. Il s’agit plutôt d’hybrider ce qui aprioris >à priori devrait rester pur, de troubler tant l’appréhension de ce qui se présente à nous – le contexte – que notre rôle et nos actions possibles face à lui.

En 2019, l’artiste avait cédé au BPS22 une partie du territoire Québécois, via un don territorial reconnu par le gouvernement et accrédité par le Ministère des Affaires étrangères canadien. L’espace, ne dépassant pas quelques centimètres carrés, a été cadastré puis foré. La carotte de granit qui était exposée au Musée, enchâssée au pied d’un mat dont le drapeau reprenait les coordonnées d’extraction, constitue aujourd’hui un Etat à part entière, dirigé par le BPS22, indépendant des juridictions belge ou canadienne. Ce don, officiellement ratifié par le parlement canadien en octobre 2019, constitue l’œuvre : une action d’hybridation entre l’art et le droit, associant jusqu’à leur dilution complète intentions artistiques et normalisations légales.

Le travail proposé à l’Eden, bien que très différent, trouble et recompose lui aussi les attendus en matière de réception (d’une création artistique) et d’usages (d’une brasserie) : plus qu’exposée, c’est bien l’œuvre qui nous expose. Si le vaste rideau recouvrant les murs peut évoquer les compositions picturales d’un Barnett Newman ou d’un Ellsworth Kelly, il est avant tout un élément de décor, la délimitation d’une scène. Ce fond vert, généralement utilisé en post-production vidéo, accentue par contraste la présence des corps et la couleur de la chair. On sait depuis Erving Goffman que la vie sociale est un théâtre, une scène où l’on se doit et doit aux autres de jouer sans filet. Le travail de Maxence Mathieu nous met concrètement en œuvre…mais aussi en doute : si notre présence collective est bien réelle, l’authenticité de chacun doit être mise en question : la personne qui boit une tasse de café interprète-t-elle bien le même texte que nous ? Anonyme, elle peut virtuellement endosser tous les rôles. Elle est votre voisine de table ou accoudée au bar. Elle est potentiellement chaque homme autour de nous, comme vous l’êtes peut-être aux yeux des autres.

Ce faisant, le théâtre qu’est la brasserie n’est pas un espace métaphorique. Il est le lieu concret d’une œuvre dont les protagonistes font corps avec le décor, en légitiment la présence, en jouent la partition. L’artificialité est consubstantielle à l’ensemble, comme l’est notre authentique besoin des autres, leur visage et leurs mots…Tant pour les fictions qu’ils incarnent que l’effet de vérité qu’ils nous offrent.

Benoît Dusart, octobre 2022

Photos : Christophe Vandercam